Article 27
Le bois dans l’architecture traditionnelle japonaise
L’architecture en bois érigée depuis des centaines d’années au Japon rayonne par sa splendeur. En sont de bons exemples les temples bouddhistes H?ry?-ji, construits au VIème siècle ou encore le T?dai-ji réalisé au VIIIème siècle. Le bois est une véritable tradition dans l’art de bâtir japonais. On le retrouvait partout, dans tous types de constructions, de l’architecture au mobilier. Avec l’industrialisation et la mondialisation, les grands centres urbains ont peu à peu perdu cette tradition du bois. Et parallèlement aux influences extérieures, le Japon a dû légiférer de manière relativement stricte dans le domaine de la construction pour pallier aux incendies. De nombreux architectes japonais contemporains remettent au goût du jour les techniques ancestrales pour redonner au bois sa place centrale dans l’architecture japonaise et internationale. Et il n’est pas rare, encore aujourd’hui, de construire des maisons en bois, tradition de l’architecture nippone.
Le bois une ressource abondante au Japon.
Les forêts recouvrent environ 66% du territoire nippon. Depuis des centaines d’années le japon pratique la sylviculture. Les forêts artificielles plantées exclusivement pour fournir du bois d’œuvre représentent environ 40% de la surface boisé japonaise. La plupart existent depuis les années 50. Même si la surexploitation forestière du milieu du XXème a obligé le gouvernement Japonais a légiféré drastiquement sur l’industrie du bois. A tel point qu’au début des années 2000, le Japon importait plus de bois qu’il n’en exportait.
Daisugi : une technique de sylviculture japonaise
En revanche, depuis quelques années, portée par une jeunesse soucieuse de son environnement, le Japon a relancé son économie forestière. Via la technique traditionnelle du Daisugi qui permet une gestion durables des forêts. On obtient le bois sans abattre totalement l’arbre. Cette sylviculture durable est principalement utilisée sur des cèdres spécialement plantés à cet effet. Les cèdres sont ainsi taillés à la main très doucement et soigneusement tous les deux ans. De telle sorte, que seules restent les branches supérieures à partir desquelles de nouvelles branches très droites vont germer.
Le protectionnisme strict de l’époque Edo (entre 1600 et 1870) rendît le métal onéreux. Si bien que cela favorisa le développement de la menuiserie dans les constructions.
Les charpentiers japonais
La menuiserie japonaise trouve ses racines au VIIème siècle, fortement influencée par la menuiserie chinoise. C’est à partir du XVIIème siècle qu’elle trouva son essor. Les japonais distinguent 4 professions de la charpenterie. Tout d’abord, il y a les Miyadaiku, qui sont les charpentiers des temples et des sanctuaires. Ensuite, les Sukiya-daiku, qui sont les charpentiers des habitations et des maisons de thé. Les sashimono-shi sont les charpentiers des meubles. Et enfin, les Tateguya sont les charpentiers des finitions intérieures. Il est peu probable de voir un Miyadaiku construire une habitation privée. Comme il est peu probable de voir un Tateguya construire un temple. Cette classification montre l’importance de bâtir dans la société japonaise.
Des outils à la pointe
Les charpentiers japonais disposent d’une multitude d’outils pour travailler le bois. La tradition de la métallurgie au Japon, a permis de développer des outils précis et efficaces tels que la scie japonaise Nokogiri ou encore les rabots appelés Kanna. Pour chaque travail du bois il y a un outil différent. La menuiserie nippone est entièrement artisanale. Si bien qu’il faut une diversité d’outils pour travailler l’ensemble du bois.
Techniques de menuiserie traditionnelle japonaise
Dans la menuiserie japonaise, les charpentiers n’utilisent ni clous, ni vis, ni colle. L’ensemble des pièces fabriquées sont faites de manières à pouvoir s’emboîter les unes aux autres. Cela s’appelle le Ki-gu-mi.
On dénombre plus de 4000 possibilités d’assemblages, tous plus complexes les uns que les autres. La méthode la plus connue en Europe est sans doute la technique du Nejiri Arigata. Elle est normalement utilisée dans l’architecture pour la construction des temples. Cette méthode consiste à découper des planches de bois très précisément de manière à ce qu’elles s’imbriquent parfaitement entre elles. En plus d’avoir une finition très esthétique cela est d’une extrême solidité. Ce système d’encoches et de bois qui coulissent permet de souder les pièces ensembles. Avec le temps, le bois durci et les jointures gagnent en résistance. A la différence d’une jointure en métal qui avec le temps peut se dilater ou s’oxyder et perdre en efficacité.
Les architectes et les charpentiers japonais ont su développer des conceptions architecturales résistantes. et qui aujourd’hui inspirent bon nombre d’occidentaux. Par exemple, la technique du bois brûlé shou sugi ban est très en vogue.
La maison traditionnelle japonaise : du bois du sol au plafond.
Le bois abonde dans l’archipel. De surcroît, c’est un matériau parfaitement adapté aux conditions climatiques ou l’été est long, chaud et humide. En premier lieu, le bois permet de garder la fraîcheur en été et de conserver la chaleur en hiver. C’est, en second lieu, un matériau résistant aux séismes, aux typhons et aux moisissures.
En Europe nous construisons nos maisons comme une boite solide fermement attachée à ses fondations. Alors qu’au Japon, ce n’est pas le cas. Les constructions traditionnelles n’ont pas de fondations implantées durablement dans le sol. La structure porteuse est simplement posé sur de grosses pierres. En effet, séparer complètement le bâtiment de ses fondations pour lui permettre de glisser librement pendant un tremblement de terre est devenu un must de la conception parasismique. La structure porteuse est entièrement en bois et assemblée selon les techniques ki-gu-mi. Ses jointures sont flexibles et résistantes pour emmagasiner et répartir les énergies latérales en cas de tremblement de terre. Par ailleurs, surélever la bâtisse assure une circulation de l’air sous la maison. Le climat, chaud et humide, est favorable à la prolifération des moisissures. Une bonne ventilation est nécessaire pour ne pas voir apparaître des champignons.
Les parois extérieures et intérieures, tout comme la structure, sont de bois. Ainsi, l’ensemble est assez robuste pour maintenir le toit en porte- à- faux. L’avant-toit est profond et en surplomb de façon à protéger les murs extérieurs des eaux de pluie. Quant au plancher en solive il est recouvert de tatamis. Le tatamis est d’ailleurs devenu une unité de mesure au Japon.
L’utilisation du bois dans architecture l’architecture traditionnelle : reflet d’un mode de vie.
Les japonais n’opposent pas intérieur et extérieur. Ils conçoivent leurs maisons comme une continuité du dehors. Du papier de riz recouvre les fenêtres et les portes. Ainsi, l’air passe librement. Les cloisons intérieures sont aussi recouvertes de papier. Ces cloisons sont en réalité des portes coulissantes, les shôji. En occident, chaque pièce de la maison à une fonction bien définie. Cependant ce n’est pas le cas des maisons japonaises. Les pièces changent de fonctions à loisir grâce à ces cloisons coulissantes et au peu de mobilier.
Cette conception architecturale est le reflet d’un mode de vie bien particulier aux japonais. Déménager signifiait se débarrasser de la maison tout entière à l’exception de la structure en bois. Cette charpente était ensuite démontée et les éléments en bois étaient remontés sur un toit et des murs neufs. Toutes les pièces qui pourraient avoir vu l’apparition de moisissures étaient immanquablement remplacées. Un moyen idéal pour limiter les dommages causés par celles-ci et les insectes, tout en préservant les parties les plus durables d’une maison et en faisant ainsi quelques économies. Les grandes entreprises de construction conçoivent leurs maisons pour durer environ 30 ans, et elles ne s’en cachent pas.
Cette culture de l’architecture éphémère peut trouver racine dans l’histoire. Il n’était pas rare de changer de palais à la mort d’un empereur. Et même parfois, de choisir une nouvelle ville pour établir la capitale impériale.
Des architectes japonais mondialement reconnus
De nombreux architectes japonais oeuvrent pour remplacer le béton par le bois partout dans le monde. C’est dans cet esprit que Shigeru Ban conçut le siège de Tamedia à Zurich. D’autres architectes, tels que Kengu Kuma ou Rie Azuma s’inscrivent dans cette mouvance. Kengu Kuma réalisa de nombreux bâtiments à l’étranger comme le bâtiment Artlab de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Son crédo : une architecture durable et inspirée des techniques ancestrales japonaises. A cet égard, il aime manipuler les matériaux naturels et notamment le bois pour réinterpréter l’architecture traditionnelle. Ainsi, ses bâtiments se suivent mais ne se ressemblent pas.
N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions.
HONEI.CH/CONTACT